La Tête de la reine
de
Edward Marston
"Château de Fotheringhay, Février 1587
La Mort l'avait suivie patiemment tout au long de sa captivité. Pas un jour ne passait sans que Marie entendît ou imaginât son pas furtif derrière elle, pourtant la Faucheuse retint sa main pendant près de vingt ans. Quand finalement elle frappa, ce fut avec une hâte indécente.
-Demain matin, à huit heures."
Ce roman s'ouvre sur les derniers moments de Mary Stuart. Heure après heure, nous suivons le cérémonial implacable. Jusqu'à son exécution.
D'une tête de reine à une autre...
"La tête de la reine oscillait doucement d'avant en arrière sous la brise légère. Le regard restait captivé à sa vue. Portant perles et diadème dans sa chevelure rousse relevée en une masse de boucles drues, elle avait un visage pâle et distingué, au front altier, au nez fin et aux lèvres pleines. Son impérissable beauté tenait également à ses yeux remarquables. [...] A ce regard impérieux, nul ne pouvait manquer de reconnaître Elisabeth Tudor, souveraine d'Angleterre."
Ce portrait sert d'enseigne à l'auberge de la Tête de la Reine. Une auberge qui abrite les représentations des Hommes de Westfield.
Mais depuis quelques temps, cette troupe, qui entend donner une pièce autour du succès contre l'Armada, semble la cible de saboteurs et d'assassins.
Le régisseur Nicholas Bracewell va tenter de comprendre l'identité de ceux qui veulent ruiner la réputation de ses comparses voire attenter à leurs jours.
Je ne connaissais pas du tout cette série avant de lire le billet de Shelbylee sur sa folie des Tudors. Et elle a su me donner envie de me plonger dans ces romans policiers historiques (d'autant plus qu'en farfouillant dans les étagères de ma bibliothèque, j'ai eu le bonheur de trouver le premier volet en anglais).
Ce qui m'a immédiatement frappé dans la Tête de la reine, c'est l’atmosphère. A la suite de son héros Nicholas Bracewell, l'auteur nous immerge dans le milieu théâtral élisabéthain. Répétitions, querelles de comédiens, rivalités, vie quotidienne d'une troupe...n'ont bientôt plus de secrets pour nous. Et cette partie historique se révèle juste passionnante.
De plus, Edward Marston a su créer un protagoniste principal intelligent, ingénieux, curieux. Un protagoniste au passé trouble (on ne connaît que peu de choses sur ses années dans la marine avant son engagement dans la troupe). Un protagoniste fidèle en amitié. Et à ses engagements.
Autour de ce héros attachant, gravite toute une galerie de rôles secondaires hauts en couleurs. De Lawrence Firethorn, l'acteur cabotin, amoureux d'une Lady et marié à une femme à fort caractère et loin d'être bête au petit commis, tous nous sont dépeints à la fois simplement mais avec beaucoup de précision. Je n'ai eu aucun mal à les imaginer tant ils me paraissaient vivants.
Tous ces "caractères" permettent à la narration d'entremêler différents registres: vaudeville (les scènes très drôles entre Lawrencre Firethorn et sa femme, par exemple), comédie, tragédie...Comme si l'intrigue elle-même rendait hommage au milieu qu'elle dépeint.
Cependant, cet aspect très théâtral de l'histoire ne doit pas masquer sa dimension policière. Car mystère il y a. Autour de l'assassinat dans un café louche d'un des Hommes de Westfield et d'une prostituée.
Nicholas Bracewell mène l'enquête. Et comme lui, nous tâtonnons, nous butons...Jusqu'à la révélation finale qui ne m'a pas complètement surprise. En effet, depuis quelques chapitres, je m'attendais à l'identité du ou des coupables. Toutefois, sans complètement avoir appréhendé le dénouement...
Bref, vous l'aurez compris: cet ouvrage constitue un polar historique réussi. Vivement la suite pour retrouver ce héros et cette époque fascinante!
Editions 10/18, 2000, 253 pages
Billet dans le cadre d'une LC avec Shelbylee